La mondialisation, stade suprême de l’impérialisme

Publié le 8 septembre 2001

« LA MONDIALISATION est en danger » tel est le cri d’alarme que lance Alexandre Adler (1). Il est vrai que le sommet de Gênes du G 7+1 a été marqué par une onde de choc.

Depuis les manifestations de Seatle se dessine un mouvement international de contestation de la mondialisation ; ce que les observateurs appellent les « antimondialistes ». Ce mouvement de révolte apparaît le plus souvent comme un ensemble de « critiques disparates et hétérogènes » mêlées à de « la démence analphabète » pour reprendre les amabilités du même Adler. Mais ce qui effraye visiblement le plus les preux chevaliers de la mondialisation c’est que le sommet de Gênes fut l’éclatante démonstration de la nature profonde du capitalisme. Comme le soulignait la Gauche communiste du PCF dans sa déclaration du 22 juillet 2001 : « Ce système permet à une infime minorité de disposer à sa guise des richesses de la planète en dépossédant les travailleurs des fruits de leur travail ou en maintenant des millions d’êtres humains sous le joug de la misère, de la famine et des épidémies. Ce système permet à une infime minorité de mettre en danger l’avenir de la planète en polluant, en déclenchant des guerres comme en Irak ou en ex-Yougoslavie et en semant la mort à petit feu avec l’usage d’armes à l’uranium appauvri. Et quand ce système est contesté, il se permet, à l’instar du président des USA, de nier la représentativité des manifestants et il fait donner ses soudards qui n’hésitent pas à aller jusqu’à l’assassinat. La compréhension du président français ne change rien à l’affaire. »

Le personnel politique des maîtres du monde, auquel est associé le président russe, se sont réunis à l’intérieur d’une véritable forteresse, derrière un non moins véritable mur de la honte et protégés par une impressionnante armada policière et militaire. Ceux que prétendent posséder la légitimité démocratique consacrée par des élections affichent leur mépris et leur peur des peuples.

Ainsi quand plus de 200 000 manifestants pacifiques défilent dans la rue et font le siège du château fort où débattent les saigneurs de la planète, l’État hôte, l’Italie de Berlusconi en l’occurrence, sonne la charge des forces de répression. On connaît le résultat : un jeune anarchiste italien assassiné, des centaines de blessés, des arrestations en masse, des violences physiques jusqu’à la mise à sac par de vulgaires pillards du local des organisateurs du Forum social de Gênes.

Ce sommet est une véritable leçon de choses sur la nature du capitalisme ; il ne supporte pas la contestation. Et pourtant la majorité des manifestants ne dénonçaient que les effets les plus insupportables de la mondialisation ; ils ne revendiquaient qu’un monde simplement humain. Même cela devient intolérable aux maîtres du monde. Mais rassurons-nous, d’après Alain Minc, c’est la faute à ce fieffé réactionnaire de Berlusconi (2). M. Minc commence ainsi son plaidoyer en faveur de la mondialisation : « Maudit Berlusconi ! Sa gestion calamiteuse du sommet de Gênes, les ratonnades de ses policiers ont transformé le rapport de forces : les ‘’antimondialistes’’ ont médiatiquement pris le dessus. »

On comprend mieux l’angoisse d’Adler : et si ces analphabètes hétérogènes finissaient par prendre politiquement le dessus, car dans les manifestants depuis Seatle rodent de dangereux marxistes, d’affreux communistes, bref de ces comploteurs révolutionnaires qui, depuis 1789, ont toujours su orienter le mécontentement des masses vers la révolution. Finalement, Adler n’a peut-être pas si tord que cela.

Les défenseurs de la mondialisation à l’offensive

Depuis Gênes les défenseurs de la mondialisation se sentent le devoir de passer à l’offensive politique. Leur objectif est clair : faire disparaître au plus vite les effets désastreux du sommet, désamorcer la prise de conscience populaire. Dans un premier temps, la tendance naturelle du totalitarisme capitaliste a été de dénoncer les antimondialistes au mieux comme des malades mentaux qui refusent le bonheur universel et au pire comme de vulgaires terroristes qu’il faut éradiquer de la société. Antimondialistes vous avez le choix entre l’asile psychiatrique ou le cimetière.

Pour le fou de dieu qu’est Alain Minc le danger est réel car écrit-il « une idéologie contestataire était en train de bouillir » puis ajoute-t-il « que cette conviction se diffuse dans la société entière devient inquiétant » (3). Pour M. Minc la mondialisation ne peut être qu’heureuse. Il ne peut pas comprendre que l’on ne puisse pas croire à ce bonheur. Quant à ceux qui persistent dans le front du refus ce ne peut être que des ennemis de l’intérieur qui doivent recevoir le châtiment que leur conduite inqualifiable exige. Pour que ses propos soient bien entendus, il fait référence à Mitterrand lors de l’installation des fusées Pershing : « Les pacifistes sont à l’Ouest, les fusées à l’Est. »

Tout juste concède-t-il que « le capitalisme est une machine à fabriquer de l’efficacité et de l’inégalité. » Le raisonnement d’Alain Minc est fort simple : premièrement, interdiction de contester le capitalisme ; deuxièmement, espoir dans une bonne régulation qui ne bride pas l’économie de marché et la libre circulation des capitaux ; troisièmement, collaborer avec l’OMC et le FMI pour mettre en œuvre cette régulation.

Merci M. Minc pour ces bons conseils, mais ne comptez pas sur nous pour arrêter le combat au moment où il commence à porter ses premiers fruits. Nous ne sommes pas de ceux qui capitulent en rase campagne. Nous n’avons aucune illusion sur votre excellente régulation en attendant le jour où « le marché et le droit seront aussi gémellaires à l’échelle internationale qu’ils le sont devenus au niveau national » car aujourd’hui, au niveau national, la tendance est à la casse du second au profit du premier. Nous ne pouvons considérer le FMI ou l’OMC comme des arbitres qui appliqueraient un droit égal pour l’exploiteur et l’exploité ; ce sont des institutions au service exclusif de la mondialisation. Désolé, Monsieur Minc, le combat continue.

Plus subtil qu’Alain Minc dans la défense inconditionnelle de la mondialisation, il y a le croyant éclairé qu’est le PS. Dans une tribune, publiée dans Le Monde du 10 août 2001 et cosignée par Christian Paul, secrétaire d’Etat à l’outre-mer, et Vincent Peillon, porte-parole du PS, s’exprime toute l’ambiguïté de ce parti. Faisant fi de leur ralliement efficace à la mondialisation, les auteurs voudraient nous faire croire que leur parti est la planche de salut pour une mondialisation vraiment heureuse. Ici pas de défense du capitalisme, pas un mot sur la politique du gouvernement de la gauche plurielle, on y exalte « l’émergence d’une conscience politique transnationale qui n’est pas révolutionnaire, mais bien réformiste », l’émergence d’un « nouvel internationalisme » que le PS découvre après Gênes où, en toute logique politique, il était absent.

Pour ceux qui refuseraient la capitulation heureuse que leur propose Alain Minc, ils leur restent la possibilité de tomber dans le piège du PS afin d’obtenir « davantage de régulation et une régulation internationale mieux définie, plus transparente, plus contrôlée, plus efficace et plus démocratique. » De qui vous moquez-vous MM Paul et Peillon ? Vous nous proposez de porter ensemble « le fer contre le dogme ultralibéral ». N’êtes-vous pas au gouvernement depuis 1997 où votre action peut se caractériser par du social-libéralisme par référence à votre passé de social-démocrate et à votre politique libérale actuelle ? N’avez-vous jamais privatisé ? N’avez-vous jamais ratifié le pacte de stabilité monétaire européen ? N’avez-vous jamais voté des budgets strictement inspirés des critères de Maastricht ? Ne laissez-vous pas s’opérer les plans de licenciements ? Vous n’êtes pas les mieux placés  pour tenter de récupérer le mouvement antimondialisation. Libre à vous de le faire, libre à nous de ne pas vous croire et de vous combattre politiquement pour ce que vous êtes vraiment : le parti le plus efficace de la mondialisation.

C’est dans ce contexte que la participation de la direction du PCF au gouvernement Jospin et sa non-participation effective aux manifestations de Gênes illustrent les fondements politiques concrets de la mutation en cours. Une fois encore la vie illustre qu’il est impossible simultanément de gérer et d’affronter le capitalisme. La place du Parti communiste est au cœur des luttes, d’agir pour qu’elles se coordonnent dans un mouvement d’ensemble conscient des véritables enjeux pour combattre non seulement les effets de la mondialisation mais les causes, c’est-à-dire la mondialisation elle-même.

Du marché mondial à la mondialisation

La force politique la mieux armée pour démonter les mécanismes économiques, sociaux, politiques et militaires actuels, et par voie de conséquence pour impulser l’offensive, c’est la force communiste, c’est le Parti communiste.

Dans le Manifeste, Marx et Engels soulignent que « la grande industrie a créé la marché mondial, préparé par la découverte de l’Amérique. Le marché mondial accéléra prodigieusement le développement du commerce, de la navigation, de tous les moyens de communication. Ce développement réagit à son tour sur la marche de l’industrie ; et, au fur et à mesure que l’industrie, le commerce, la navigation, les chemins de fer se développaient, la bourgeoisie grandissait. » (4) Marché mondial et capitalisme marchent de concert depuis le début. Quant à ceux qui n’ont à la bouche que l’impact des télécommunications qui révolutionnent le monde, c’est la même logique que les chemins de fers du 19e siècle. La différence, certes elle a son importance, c’est la rapidité d’exécution qui permet les transferts de capitaux d’un point du monde à l’autre en temps réel comme disent les informaticiens.

Dans le Capital, Marx va encore plus loin dans l’analyse. Ses propos feraient rougir de honte ces économistes de cours qui l’ignorent : « Si au 16e siècle, et en partie encore au 18e, l’extension subite du commerce et la création d’un nouveau marché mondial exercèrent une influence prépondérante sur le déclin de l’ancien mode de production et l’essor du système capitaliste, cela s’est produit à l’inverse sur la base du mode de production capitaliste une fois créé. La base de ce dernier est constituée par le marché mondial. » (5) La dernière phrase, que je souligne, indique sans aucune ambiguïté que le capitalisme tend à la mondialisation depuis ses origines, ce qui conduira Marx et Engels à militer activement pour que le prolétariat, fossoyeur objectif et historique de la bourgeoisie, devienne une force politique internationale. Tel est le sens véritable de la conclusion du Manifeste : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

Dans le Capital, Marx poursuit son raisonnement. « Une production massive de plus en plus étendue inonde le marché existant et travaille par conséquent toujours à agrandir ce marché et à rompre ses limites. Ce n’est pas le commerce (pour autant qu’il ne traduit que la demande réelle) qui limite cette production massive, mais la grandeur du capital en fonction et la force productive du travail mise en jeu. Le capitaliste industriel a toujours présent à l’esprit le marché mondial. » (6)

Voilà pour les ressorts du capitalisme, il a un besoin permanent d’extension et son territoire de conquête c’est le monde. Même si les ressorts sont toujours les mêmes, il va de soi que les choses bougent, également, en permanence. C’est une nécessité vitale pour la bourgeoisie qui « n’existe qu’à la condition de révolutionner constamment les instruments de travail, ce qui veut dire le mode de production, ce qui veut dire tous les rapports sociaux. » (7)

Finalement la devise du capitalisme pourrait s’écrire ainsi : tout doit changer pour que rien ne change ou plus exactement pour que l’essentiel demeure. L’essentiel c’est la propriété privée des moyens de production, d’échange et de communication et la course au profit maximum avec ses effets dramatiques qui révoltent les antimondialistes.

L’impérialisme, stade suprême du capitalisme

Ce constant bouleversement modifie la société bourgeoise. C’est ainsi que la libre concurrence donne naissance au trust, au cartel, bref au monopole grâce au phénomène de la concentration : « Le développement prodigieux de l’industrie et le processus extrêmement rapide de la concentration de la production dans des entreprises toujours plus grandes, constituent une des particularités les plus caractéristiques du capitalisme. » (8)

Ce phénomène de fusion-concentration est plus actuel que jamais donnant naissance à des hypermonopoles. Vivendi en est un des exemples les plus proches, cette « entreprise » regroupe la distribution de l’eau, la collecte des ordures ménagères, le transport urbain en province, les télécommunications, l’édition, la musique, le cinéma et maintenant l’Olympia. Cela a été rendu possible, entre autre, par la politique de privatisation du gouvernement de la gauche plurielle. Jean-Marie Messier, ancien haut fonctionnaire du temps de Balladur, attend avec impatience la privatisation de EDF et de la SNCF pour accroître ses possessions.

Déjà Marx avait montré la tendance du capital à produire du capital ; ce phénomène va progressivement conférer aux banques et au capital financier un rôle central. « Les banques se transforment et, d’intermédiaires modestes, deviennent de tout-puissants monopoles disposant de la presque totalité du capital-argent de l’ensemble des capitalistes et des petits patrons, ainsi que de la plupart des moyens de production et des sources de matières premières d’un pays donné ou de plusieurs pays. » (9)

Ce phénomène est particulièrement visible à l’heure de la mondialisation confirmant et amplifiant le constat que faisait Lénine sur la domination du capital financier. Ce phénomène spécifique à l’impérialisme devient global actuellement où s’impose la libre circulation des capitaux mise en place par le FMI, l’OMC, l’Europe de Maastricht et les gouvernements qui se plient à la volonté des maîtres du monde. Grâce aux nouvelles technologies et à Internet ce phénomène fait des ravages d’un point du globe à un autre encore plus vite que les ouragans. Ces déplacements de capitaux sont violents, injustes et totalitaires. Alain Minc, lui-même en reconnaît le caractère « odieux », mais ajoute-t-il « ils ne sanctionnent jamais un pays sur un fantasme ou une simple idée préconçue ; ils punissent lourdement, souvent trop lourdement, un dérapage macro-économique, une organisation bancaire surannée, un système improductif. » (10) Notez bien les verbes employés « sanctionner », « punir » ; et les gouvernements pour être de bons élèves appliquent une politique évitant sanction et punition. C’est le cas du gouvernement de la gauche plurielle dont aucun des partis le constituant ne s’est fait élire avec un mandat pour privatiser et dont tous, l’année prochaine, nous promettrons de mettre en place, enfin, une régulation du capitalisme allant dans le bon sens. Sauront-ils encore une fois crus par leurs électeurs ? Telle est l’une des questions centrales des échéances électorales de 2002.

Enfin, l’impérialisme c’est l’ère du partage et du repartage du monde entre les diverses grandes puissances. Cela c’est traduit par le colonialisme de la plus grande partie du monde par les principaux Etats européens et les USA. De nos jours il n’existe plus officiellement de colonialisme. Mais les ajustements structurels du FMI en direction des pays dits émergents ou en voie de développement, s’y apparentent fortement. Ainsi le journal britannique New Statesman notait récemment : « Il ne s’agit pas d’une véritable économie de marché universelle, mais bien d’une nouvelle forme de colonialisme. La Banque mondiale et le FMI posent souvent la privatisation du secteur public comme la condition pour l’accord de prêts et de subventions. La plupart du temps ces services sont ensuite repris par des entreprises étrangères, et non locales. Il en résulte finalement que les plus défavorisés doivent payer plus cher pour l’eau, pour l’éducation et pour les soins. » (11) Car les Etats concernés ne sont pas en mesure de résister, ils redoutent la punition des capitaux. Quant aux populations touchées elles peuvent toujours trouver refuge dans l’immigration vers les USA où l’Europe, sièges des sociétés transnationales qui pillent leur pays, mais elles s’exposeront alors à d’autres risques car si la libre circulation des capitaux ne doit pas être entravée il en va tout autrement pour celle des êtres humains.

La mondialisation c’est l’impérialisme après la destruction de l’URSS

Le libéralisme actuel, qu’il soit pur comme le voit Alain Minc ou qu’il soit social à la mode du gouvernement de la gauche plurielle, ce libéralisme-là n’est nullement le retour de la libre concurrence. C’est au contraire l’ère des fusions et des concentrations de capital à grande échelle avec leurs cortèges de plans de licenciements. C’est l’ère des privatisations qui représentent une des principales matières premières à la constitution d’oligopoles transnationaux. C’est l’ère de la déréglementation, de la flexibilité, de la destruction des conquêtes sociales. Aujourd’hui, l’Etat abandonne ses prérogatives économiques et sociales, il est totalement l’Etat ses sociétés transnationales.

La mondialisation c’est l’ère du totalitarisme politique, théorisé par certains comme la fin du politique. Elle serait même l’œuvre incontrôlable de la main invisible des marchés car, comme l’écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung, elle « ne connaît ni instigateur, ni patron, ni chef de gouvernement que l’on pourrait tenir pour responsable. » (12) Et puis quoi encore ? Ce totalitarisme se présente sous des aspects subtils voire supportables puisqu’il ne supprime pas les élections, il impose seulement aux États de servir les maîtres du monde. Et comme ces derniers sont des gens très méfiants vis-à-vis du suffrage universel, ils se sont dotés d’un ensemble de structures inter et supra-étatiques hors de tout contrôle populaire. Cette subtilité d’apparence démocratique a tout de même des limites, qui dès lors qu’elles sont franchies, comme à Gênes, voit l’entrée en scène des forces de répression.

En réalité, la mondialisation c’est l’impérialisme le plus brutal. Elle est devenue la forme du nouvel ordre mondial avec la destruction de l’URSS, sous les coups de l’agression permanente des puissances impérialistes depuis la révolution de 1917 et sous les coups d’une bureaucratie qui a rongé les bases de cette révolution tel un véritable cancer.

La politique de coexistence pacifique s’est soldée par la victoire de l’impérialisme. Aujourd’hui, c’est le règne total du capital qui a entrepris la destruction des conquêtes ouvrières et plus particulièrement là où elles étaient importantes comme en France. Aujourd’hui, la mondialisation se traduit par la domination des USA qui se présentent ouvertement comme le modèle universel et qui affichent avec arrogance leur nationalisme de grande puissance sans que cela ne dérange le moins du monde les démocrates sincères qui ne voient pas d’autre horizon que celui de la mondialisation.

Ainsi prend peu à peu corps la thèse de la gouvernance mondiale, voire celle de l’Empire, c’est comme une seconde jeunesse pour les thèses réformistes de Kautsky sur l’ultra-impérialisme. Malheureusement, cette thèse pour attirante qu’elle soit n’en est pas moins aussi inopérante que son ancêtre. C’est ce qu’expliquait en son temps Lénine : « Il ne fait pas de doute que le développement va dans le sens d’un seul et unique trust mondial absorbant sans exception toutes les entreprises et tous les États. Mais ce développement s’opère dans des circonstances, sur un rythme, avec des contradictions, des conflits et des bouleversements tels (et non seulement économiques, tant s’en faut, mais aussi politiques, nationaux, etc., etc.) que, sans aucun doute, avant qu’on n’en arrive à un seul trust mondial, à une association mondiale ‘’ultra-impérialiste’’ des capitaux financiers nationaux, l’impérialisme devra inévitablement sauter et le capitalisme se transformera en son contraire. » (13)

Certes il existe un système impérialiste mondial, mais il existe toujours plusieurs puissances impérialistes, c’est-à-dire que les contradictions inter-impérialistes n’ont toujours pas disparues et ne peuvent se résoudre, pour une période donnée et dans le cadre du système, que par la force voire par la guerre. Seule la révolution peut réellement y mettre fin en commençant la construction d’une société et d’un monde nouveaux et différents.

Si la mondialisation avait une toute petite chance d’assurer la paix, alors les puissances impérialistes auraient dissout l’OTAN après la dissolution du Pacte de Varsovie. Non seulement l’OTAN est toujours là, mais il est en position hégémonique. Sous la seule direction des USA, il occupe une partie des Balkans après y avoir déclenché une guerre. Grâce à la guerre pour achever la Yougoslavie, dernier vertige d’une forme de socialisme, l’OTAN s’est donné une nouvelle légitimité : assurer la domination des USA et être l’outil privilégié de ces derniers dans leur politique européenne. Ce qui  a été explicitement proclamé par le sommet de l’OTAN d’avril 1999 : « contribuer à la prévention efficace des conflits et à s’engager activement dans la gestion des crises, y compris des opérations de réponses aux crises. » Nous étions alors à quelques semaines du déclenchement de la guerre contre la Serbie.

Cette guerre, au cœur de l’Europe, était, avant tout, une guerre d’avertissement aux puissances européennes pour leur indiquer qui était le « big boss » et ces dernières se sont inclinées. Il n’en sera peut-être pas toujours ainsi.

Quoiqu’il en soit, certains nous vantent les mérites de l’Union européenne et de l’Euro pour faire face à la domination étatsunienne. L’expérience prouve que, sur tous les plans c’est une impasse ; une impasse qui frappe de plein fouet les travailleurs européens et malmène la démocratie.

Pas d’autre mondialisation que la mondialisation

Les manifestations de Seatle à Gênes, les luttes contre les plans de licenciements en France posent des revendications légitimes : défense du service public ; droit à l’emploi ; la santé, l’éducation et la culture hors de portée de la loi du marché ; taxation des capitaux comme les salaires, une véritable réduction du temps de travail ; « contrôle politique de la banque centrale européenne » et « desserrement du pacte de stabilité budgétaire » (14) ; une politique de l’environnement qui limite les appétits des sociétés transnationales ; etc.

A quelques formulations prés, ces revendications doivent être portées tous ensemble dans un cadre international. Le mouvement de Seatle à Gênes doit être amplifié, il doit se coordonner pour atteindre une cohérence politique. Malgré la désertion de la direction du PCF, les communistes sont au cœur de ce combat objectivement anticapitaliste. Ce qui ne signifie nullement qu’ils renoncent à leur esprit critique. Ils militent dans le mouvement antimondialisation parce qu’ils sont des militants de la transformation révolutionnaire de la société. Ils expliquent sans relâche qu’il ne faut pas se bercer d’illusion sur un éventuel dialogue mutuellement avantageux entre la société civile (c’est-à-dire le monde des exploités et des opprimés) et les instances supra-étatiques comme le FMI et l’OMC. Ils expliquent en quoi une position comme celle exprimée par Juan Somavia, secrétaire général de l’Organisation internationale du travail (OIT), est un leurre doublé d’un piège : « Nous devons d’urgence nous orienter vers un équilibre fondamental entre les piliers économique et social de la gouvernance mondiale. » (15)

Les revendications actuelles pour des réformes en profondeur posent la question du pouvoir ou plus exactement de quelle classe sociale exerce le  pouvoir. Ce sont des revendications transitoires, c’est-à-dire qu’elles permettent tout à la fois de résister à des offensives du type de la « refondation sociale » et de prendre conscience de la lutte contre les causes. Seule une rupture révolutionnaire permettra de commencer la mise en œuvre des réformes nécessaires pour se libérer de l’exploitation et de l’aliénation.

Une seule solution : la révolution

La mondialisation ne se transformera jamais d’une façon lente et paisible en son contraire. Elle n’apportera jamais la paix et la prospérité aux peuples du monde. C’est ce que soulignait, à son époque, Rosa Luxemburg : « Ayant tendance à devenir une forme mondiale, il [le capitalisme] se brise à sa propre incapacité d’être cette forme mondiale de la production. Il offre l’exemple d’une contradiction historique vivante ; son mouvement d’accumulation est à la fois l’expression, la solution progressive et l’intensification de cette contradiction. A un certain degré de développement cette contradiction ne peut-être résolue que par l’application des principes du socialisme, c’est-à-dire par une forme économique qui est par définition une forme mondiale, un système harmonieux en lui-même, fondé non sur l’accumulation mais sur la satisfaction des besoins de l’humanité travailleuse et donc sur l’épanouissement de toutes les forces productives de la terre. » (16)

Le fonctionnement antidémocratique de la mondialisation interdit toute illusion réformiste. L’espoir réformiste s’est brisé dans les décombres du mur de Berlin. Depuis le début, le capitalisme ne peut être abattu que par une révolution mondiale. La mondialisation rend désormais ce verdict indiscutable. Il ne reste plus qu’à l’exécuter. Alors, commençons cette révolution dans le maillon le plus faible.

Comment reconnaît-on un tel maillon ? Ecartons les débats par trop théoriques ils risquent d’être sans fin et luttons ouvertement, consciemment et sans compromis contre notre propre bourgeoisie.

Emile Fabrol

1.- Courrier international du 2 août 2001.
2.- Le Monde du 17 août 2001.
3.- Le Monde du 17 août 2001.
4.- Marx-Engels, le Manifeste du parti communiste, le Temps des Cerises, 1995, page 9.
5.- Marx, le Capital, livre 3, Editions sociales, 1976, pages 314 et 315.
6.- Marx, le Capital, livre 3, Editions sociales, 1976, page 317.
7.- Marx-Engels, le Manifeste du parti communiste, le Temps des Cerises, 1995, page 11.
8.- Lénine, l’Impérialisme stade suprême du capitalisme, le Temps des Cerises, 2001, page 47.
9.- Lénine, l’Impérialisme stade suprême du capitalisme, le Temps des Cerises, 2001, page 69.
10.- Le Monde du 17 août 2001.
11.- Cité par Courrier international du 2 août 2001.
12.- Cité par Courrier international du 2 août 2001.
13.- Œuvres, tome 22, page 114.
14.- Lire l’article de Bernard Cassen dans le Monde diplomatique de septembre 2001.
15.- Le Monde diplomatique de septembre 2001.
16.- Rosa Luxemburg, l’Accumulation du capital, Maspéro, 1967, tome 2, page 135.

Laisser un commentaire